CS01 Yamaha
Le CS 01 est le moins cher et le plus précieux de mes synthés !
Parler d’un synthétiseur en tant qu’instrument de musique n’est pas chose facile. Ces appareils sont en général assemblés dans des usines sans âme et ceux qui les assemblaient, surtout dans les années quatre-vingt, étaient déjà soumis aux contraintes qui seraient ensuite celles des robots qui leur succéderaient un jour. On est loin des gestes attentifs des luthiers qui ont pu accompagner la gestation d’un Stradivarius, d’un Steinway ou de tout autre instrument traditionnel.
Parler d’un synthétiseur en tant qu’instrument de musique n’est pas chose facile. Ces appareils sont en général assemblés dans des usines sans âme et ceux qui les assemblaient, surtout dans les années quatre-vingt, étaient déjà soumis aux contraintes qui seraient ensuite celles des robots qui leur succéderaient un jour. On est loin des gestes attentifs des luthiers qui ont pu accompagner la gestation d’un Stradivarius, d’un Steinway ou de tout autre instrument traditionnel.
L’image qu’ont pu garder de moi ceux que j’ai rencontrés au fil de mes voyages, plus particulièrement en Afrique, est sans doute (comme ci-contre) d’un bonhomme se balançant d’un pied sur l’autre et portant en bandoulière un étrange petit clavier gris (ou noir) très plat et léger, associé à un encore plus étrange espèce de sifflet dans la bouche, et tirant de cet ensemble des sons tantôt lyriques, tantôt espiègles pour accompagner musiciens locaux, chanteurs et chanteuses, alternant les lignes mélodiques flûtées avec des accompagnements de basse ou de percussion au fil de ses inspirations, mais toujours à partir du même engin. Il n’était pas rare qu’après une prestation on vienne me voir pour me demander ce qu’était cet instrument et à quoi servait l’embout de plastique que j’avais dans la bouche !
En 1982, ce petit synthé ne payait vraiment pas de mine : vendu 1200 Francs (180 € actuels environ), doté d’un clavier à mini-touches de deux octaves et demie, d’un petit haut-parleur et de boutons et glissières en plastique léger, il ressemblait tellement à un jouet qu’après l’avoir acheté je me suis demandé si je n’avais pas cédé à un caprice.
Mais en le branchant sur un ampli (il disposait d’un jack guitare 6,35 normalisé en sortie) il apparaissait vite que ce petit synthétiseur analogique monophonique à un oscillateur, un filtre et une unique enveloppe ADSR …avait un son qui tenait très bien la route, et dans de nombreux domaines !
En 1982, ce petit synthé ne payait vraiment pas de mine : vendu 1200 Francs (180 € actuels environ), doté d’un clavier à mini-touches de deux octaves et demie, d’un petit haut-parleur et de boutons et glissières en plastique léger, il ressemblait tellement à un jouet qu’après l’avoir acheté je me suis demandé si je n’avais pas cédé à un caprice.
Mais en le branchant sur un ampli (il disposait d’un jack guitare 6,35 normalisé en sortie) il apparaissait vite que ce petit synthétiseur analogique monophonique à un oscillateur, un filtre et une unique enveloppe ADSR …avait un son qui tenait très bien la route, et dans de nombreux domaines !
CS01 II en bandoulière, BC1 sur le ventre
jack branché et prêt à jouer ! (© Xalam)
Tout y était à la fois simple et bien fait : l’oscillateur était numérique, ce qui lui permettait d’être toujours juste, les molettes étaient positionnées en haut à gauche, de manière idéale pour un clavier monophonique, permettant de le tenir en même temps qu’on les manipulait de la main gauche sans interférer avec le jeu des touches à la main droite. Son petit haut-parleur et son alimentation sur piles permettait de dialoguer instantanément avec n’importe quel musicien, y compris dans des endroits sans électricité… il est rapidement devenu mon compagnon de voyage incontournable.
Le breath controler BC1 (contrôleur de souffle), dont était doté le CS01 par défaut, était le fameux petit « sifflet » dont je parlais plus haut et qui servait à moduler le son à partir de la pression du souffle. Ce n’est pas Yamaha qui avait introduit cette idée de contrôleur de souffle : il y avait eu des précédents et en particulier le Stratus de Crumar, qu’on pouvait interfacer avec le système Master’s Touch de Steiner qui était un contrôle de souffle susceptible d’agir sur le pitch-bend et le vibrato, ou le Synthacon de Steiner Parker qu’on peut voir ici en action dans une petite vidéo, associé au séquenceur 151. Mais le BC1 était à l’évidence d’une utilisation plus simple et bien plus performante.
En fait je l’avais découvert un peu plus tôt associé au célèbre DX7, mais il ne m’avait pas paru alors d’un grand intérêt. Il fallait adapter la programmation pour l’utiliser, et il y avait des effets de seuil qui ne lui permettaient pas une grande expressivité sur la synthèse FM. Avec le CS01 c’était différent : la sensibilité pré-programmée était beaucoup plus réactive, et son caractère monodique, sur un instrument de petite taille, permettait de simuler le jeu d’instruments à vent comme saxophones et clarinettes ! J’ai alors béni mes années d’école et l’apprentissage de la flûte à bec avec la découverte associée des richesses du souffle. Les possibilités se trouvaient amplifiées à la fois par la capacités sonores de l’instrument (de l’extrême grave à l’aigu) et par la présence du clavier mini-touches qui en rendait l’accès immédiat pour un pianiste. Le contrôle de souffle (et l’accessibilité des autres contrôles) compensait ainsi largement l’absence de dynamique du clavier.
Je dois à cet instrument des moments magiques, avec des musiciens autant connus que méconnus, et sur trois continents. Son autonomie à la fois sonore et énergétique s’est révélée déterminante en permanence. C’est ainsi que dans un petit village du Cameroun, en 1983 a pu se nouer un échange magique avec un joueur de Mvet qui ne parlait pas plus français que je ne parlais sa langue. Je l’ai aussi employé sur de nombreuses scènes sénégalaises et on peut l’entendre à la fin du morceau Africa Remembers sur l’album Eyes Open de Youssou N’Dour.
Dans les deux vidéos ci-dessous on me voit l’utiliser sur scène, au Baiser Salé en 2009 avec le groupe de mon grand ami Mokhtar Samba (dans une grande folie fusionnelle et rythmique où c’était le seul instrument dont je jouais, juste branché sur une pédale d’effets), puis au New Morning en 2012 avec Richard Bona et Raul Midon qu’on ne présente plus.
Dans les deux vidéos ci-dessous on me voit l’utiliser sur scène, au Baiser Salé en 2009 avec le groupe de mon grand ami Mokhtar Samba (dans une grande folie fusionnelle et rythmique où c’était le seul instrument dont je jouais, juste branché sur une pédale d’effets), puis au New Morning en 2012 avec Richard Bona et Raul Midon qu’on ne présente plus.
avec Moktar Samba au Baiser Salé (2009)
avec Richard Bona et Raul Midon au New Morning (2012)
Il faudrait ajouter à ces exemples tant et tant de « bœufs » et de jam-sessions, avec tant et tant d’amis guitaristes, joueurs de cora ou de balafon…
Cet instrument a cessé d’être fabriqué au milieu des années 80, probablement à cause de son caractère analogique et au vu du succès supposé de la synthèse FM. Une version II, noire à sérigraphie verte, dotée d’un filtre plus puissant (24 dB/octave) et d’une résonance réglable (très bonne idée !) avait toutefois succédé à la version I en 1984. Ce mépris d’un instrument très intéressant est vraiment désolant (il paraît qu’on en faisait cadeau aux acheteurs de DX7 vers la fin de sa vie commerciale, c’est dire !). Il n’a jamais été remplacé par quoi que ce soit d’autre et je garde jalousement ceux qui me restent car j’ai eu la prudence de m’en procurer plusieurs d’occasion : ces petites bêtes-là sont fragiles.
Je ne connais qu’un autre musicien qui continue à en jouer comme je le fais : mon ami Jean-Claude Naimro du groupe Kassav.
Cet instrument a cessé d’être fabriqué au milieu des années 80, probablement à cause de son caractère analogique et au vu du succès supposé de la synthèse FM. Une version II, noire à sérigraphie verte, dotée d’un filtre plus puissant (24 dB/octave) et d’une résonance réglable (très bonne idée !) avait toutefois succédé à la version I en 1984. Ce mépris d’un instrument très intéressant est vraiment désolant (il paraît qu’on en faisait cadeau aux acheteurs de DX7 vers la fin de sa vie commerciale, c’est dire !). Il n’a jamais été remplacé par quoi que ce soit d’autre et je garde jalousement ceux qui me restent car j’ai eu la prudence de m’en procurer plusieurs d’occasion : ces petites bêtes-là sont fragiles.
Je ne connais qu’un autre musicien qui continue à en jouer comme je le fais : mon ami Jean-Claude Naimro du groupe Kassav.