La musique et l’image.

Gérald ATHANASE

Dans la précédente version du site, je m’étais inséré dans la section « voir autrement » de Jean-Philippe pour inviter à une réflexion sur la place des ambiances sonores dans la musique ainsi que sur la place de l’image, complémentaire ou parasite selon le cas. Il est courant de voir les mélomanes fermer les yeux pour mieux apprécier un enregistrement ou un concert, et sans nier l’intérêt spécifique de l’opéra, des ballets ou des comédies musicales, force est de jalouser la chance des aveugles de pouvoir échapper en permanence à la pollution des sens par les clips vidéos !
Pour ce qui est des ambiances sonores, on se souvient qu'un certain nombre d'œuvres modernes datant d'une époque où le clip était moins systématique, faisaient largement appel à des ambiances sonores concrètes. Pink Floyd, par exemple, dans Alan's Psychedelic Breakfast, ou avec sa caisse enregistreuse dans « Money », mais également des ambiances de début ou de fin de séances d'enregistrement comme dans Locomotive d'Or de Claude Nougaro... ou encore le passage du Concorde au-dessus du Studio d'Hérouville, servant d'introduction pendant plus d'une minute à Vague à l'âme de Jacques Higelin... Sans oublier l'inoubliable arrière plan de concert public (simulé) du début de Sgt Peppers Lonely Hearts Club Band des Beatles.

Et concernant la perturbation de l’écoute de la musique par l’image, j’invite les voyants, parmi nos lecteurs, à découvrir, dans les deux exemples musicaux ci-après, la différence de perception d'une même musique selon qu'elle est accompagnée ou non d’images animées. Il s'agit de la 6e symphonie de Ludwig Van Beethoven.


La deuxième séquence est la scène culte de la fin du film Soylent Green (Soleil Vert) de Richard Fleischer (1974), dans laquelle le détective Robert Thorn (alias Charlton Heston) assiste à l'euthanasie de son mentor Sol Roth (Edward G. Robinson) auquel on projette, sur grand écran circulaire géant, des images superbes de la terre et de la nature telles qu'elles furent et ont définitivement cessé d'être dans ce film d'anticipation apocalyptique. Le caractère culte du film est amplifié par le fait qu'Edward G. Robinson était déjà gravement malade quand il tourna cette scène et qu'il est mort peu de temps après la fin du tournage, en janvier 1973. L'émotion de Charlton Heston est amplifiée par le fait qu'il était un des seuls au courant de l'état de son collègue.

Si belles soient ces images et l'émotion qu'elles suscitent dans le contexte, ne viennent-elles pas parasiter définitivement cette œuvre magistrale, dont le premier extrait illustré du seul portrait de l'auteur, vous évoquait probablement plein d'autres choses ? (au-delà du choix d'interprétation discutable pour la BO du film, qui ne tient évidemment pas la route face à la superbe version de Nikolaus Harnoncourt) ?

Et l’utilisation de plus en plus systématique de grands airs classiques comme support de messages publicitaires ne finit-il pas par les tuer définitivement ? Le Chœur des Bohémiennes de la Traviata de Verdi survivra-t-il seulement à l’image d’une serviette périodique inventée un siècle plus tard ? Un blog a choisi de répertorier, de manière assez complète ces emprunts en proposant la référence et des possibilité de redécouverte des originaux. La longueur de la liste est à la fois impressionnante et affligeante.